« Dans tous les domaines, les créatrices accèdent peu à peu à la reconnaissance qui leur est due. Dans l’admiration collective, Berthe Morisot et Camille Claudel ont, par exemple, non seulement rejoint George Sand et Marie Curie au Parnasse féminin mais elles tiennent leur place aux côtés de Manet et de Rodin. […] Authentique créatrice, Clara Wieck-Schumann compositrice ne doit pas être tenue dans l’ombre de la splendide interprète qu’elle fut, ni dans celle des grands hommes. […] Fascinante avec ses immenses yeux bleu clair dans un fin visage mélancolique, Clara Wieck-Schumann (1819-1896) fut entourée sa vie durant de l’adoration des hommes : Goethe, Paganini, Chopin, Liszt, Mendelssohn, Brahms et tant d’autres. Plus encore Robert Schumann qui écrivait à son aimée : « Le son secret, le thème, c’est toi. […] La postérité doit nous regarder comme un seul cœur et une seule âme. » ~Brigitte François-Sappey (musicologue et docteur ès lettres).
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Hier soir, la Cité Bleue Genève a été le théâtre d’une expérience unique, où l’histoire et l’émotion se sont unies pour offrir au public une immersion dans l’univers de Clara Wieck-Schumann. Annie Dutoit-Argerich, par son interprétation bouleversante et lumineuse, a donné vie à cette femme d’exception, trop souvent réduite à son rôle d’épouse et de muse, et pourtant immense par son talent de compositrice, de pianiste et de mère.
Sous la mise en scène subtile et raffinée de Betty Gambartes, avec un scénario co-signé par Diego Vila, également consultant musical, le spectacle plonge l’auditoire dans les méandres de la vie de Clara. Entre succès éclatants et épreuves intimes, Clara s’exprime avec son cœur, laissant transparaître ses failles et sa force. La prestation d’Annie Dutoit-Argerich ne se contente pas d’émouvoir : elle transcende, habitant chaque note, chaque mot, avec une intensité rare. La narration sensible et authentique semble s’élever directement de l’âme de Clara pour toucher celle des spectateurs.
La performance musicale a été magnifiée par Sam McElroy, baryton à la voix profonde et envoûtante, et Eduardo Delgado, dont le jeu pianistique, tantôt flamboyant, tantôt introspectif, résonnait comme une déclaration d’amour à la musique de Clara et à son époque. Ensemble, ils ont construit un écrin sonore parfait où le génie de Clara a pu briller sans entrave.
Le moment était d’autant plus exceptionnel que deux personnalités emblématiques étaient présentes dans la salle, Charles Dutoit et Martha Argerich, venus assister, emplis d’admiration, au spectacle de leur fille.
Pour ceux qui n’ont pas encore eu la chance d’assister à ce spectacle bouleversant, deux représentations sont encore prévues les mercredi 27 et jeudi 28 novembre à 19h30, à la Cité Bleue Genève.
©Photos D.R.
Ce spectacle n’est pas seulement une ode à Clara Wieck-Schumann, mais aussi une invitation à réfléchir sur la place des femmes artistes dans l’histoire, souvent éclipsées par des jugements ou des stéréotypes. Annie Dutoit-Argerich, par sa virtuosité et son engagement, redonne à Clara la voix qu’elle mérite, celle d’une femme libre et brillante.
Un moment suspendu, un témoignage d’admiration, et surtout, une célébration de l’art dans tout ce qu’il a de plus émouvant. Ne manquez pas ce chef-d’œuvre vivant.
Valérie DEBIEUX (novembre 2024)
Le mardi 26 novembre à 18h00, Brigitte François-Sappey animera une conférence au Café des Artistes de la Cité Bleue à Genève.
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