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"Galops : Perspectives cavalières, II", Jérôme Garcin

Photo du rédacteur: Valérie  DEBIEUXValérie DEBIEUX

Invité à un délicieux voyage, le lecteur galope, au fil des pages, au rythme des mots. Que ce soit dans le manège intime, l’équitation, ou dans les arts équestres. Jérôme Garcin, cavalier émérite, virtuose de la plume, offre une chevauchée fantastique au lecteur. Un récit éblouissant qui se déroule à la façon d’un papyrus illustrant une série de fresques humaines. L’ensemble est narré avec sagacité, efficacité, intelligence et fougue, dans un tempo régulier, mélodieux et souple.


À cheval, Jérôme Garcin « appuie, passe, piaffe, rassemble, et disparaît en forêt pour rédiger, dans sa tête et sur ses étriers, la phrase ou le chapitre qui réclament du mouvement, de la poussière blanche et du rêve ». L’un ne va pas sans l’autre. Pour lui, « monter, c’est écrire et écrire, c’est monter ». Tandis que sa plume explore les sentes de l’âme, le lecteur le suit avec ravissement, et rencontre ainsi, Anne-Marie Philipe, son épouse, pour qui, «jouer était un combat et monter, un armistice, presque une réconciliation», puis, son père (éditeur rigoureux et exégète raffiné de Stendhal), qui montait à cheval « pour se dépenser, s’élever, et prendre des risques ». Grâce au narrateur, il s’opère ainsi une remontée dans le temps, et surgit du passé, le destin de la célèbre sociétaire de la Comédie-Française, Marie-Elisabeth Joly, née en 1761, qui était en selle lorsqu’elle n’était pas en scène. Jérôme Garcin dépeint avec affection des personnalités très diverses, allant de María-Felicia García alias Maria Malibran, en passant par Rosa Bonheur, Marina Hands, Jean Rochefort, Gérard Lesne, Jean-Pierre Cassel, Pascal Quignard, Paul Morand, ou encore Bartabas, et cible ses portraits avec raffinement.


Se passer de la presse ne pose, pour Jérôme Garcin, aucun problème ; en revanche, se priver de monter à cheval lui est impossible car, comme il l’écrit : « […] je dois au cheval le pire : la mort brutale d’un père dans la fleur de l’âge, et le meilleur : l’écriture. Il m’a privé de l’un, il m’a offert, par l’autre, de le retrouver dans sa jeunesse éternelle ».


Dans ce même esprit de liberté, comment ne pas confier, l’espace de quelques lignes, le soin de tracer un portrait de Jérôme Garcin à celui qui le connaissait sans doute le mieux, son ami, Jacques Chessex : « Jérôme a baigné tout petit dans l’univers du papier, il en reconnaît ataviquement l’odeur, les ruses, les voies secrètes et ouvertes. Après mon aîné Nourissier, il est bien le premier de mes cadets à montrer une telle appétence d’éditeur, et je ne me lasse pas de nos conversations où exemple à suivre et à fuir, figures tutélaires ou gnomes tristes, écrivains amis ou douteux surgissent dans une intéressante sarabande ».


Jérôme Garcin, humaniste, amoureux des livres et de la littérature, est un orfèvre des mots, et une fois de plus, il offre au lecteur un livre de très haute voltige qu’il dédie à la mémoire de François Nourissier. Son ouvrage, au travers des différents portraits est un hymne à la rédemption par l’équitation, et constitue une parfaite illustration des propos de Flaubert : « À cheval, votre esprit trottine d’un pas égal par tous les sentiers de la pensée;

il va remontant dans les souvenirs, s’arrêtant aux carrefours et aux embranchements, foulant les feuilles mortes, passant le nez par-dessus les clôtures ».


Valérie DEBIEUX (octobre 2013)



(Gallimard, septembre 2013, Collection Folio N°5622, 192 pages)

 
 
 

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